Lors d’une formation en management il y a quelques années, j’ai vu un directeur commercial interrompre une présentation sur le DISC en lançant : « Tout ça c’est bien joli, mais moi je veux juste savoir comment faire pour que mes équipes arrêtent de se marcher dessus. » La formatrice a souri et répondu : « C’est exactement ce dont il s’agit avec le test DISC. Les couleurs aident à comprendre pourquoi deux personnes compétentes peuvent se taper sur les nerfs sans raison apparente. »
Cette scène résume bien l’intérêt du test de couleur de personnalité DISC : ce n’est pas un test de QI déguisé, ni une excuse pour cataloguer les gens. C’est un outil de lecture des comportements qui aide à décoder pourquoi certaines interactions passent comme une lettre à la poste tandis que d’autres tournent au dialogue de sourds. Si vous entendez parler de « test de personnalité couleur » ou de « méthode DISC » sans vraiment saisir de quoi il retourne, cet article pose les bases concrètes : ce que recouvrent les quatre couleurs, comment les repérer sans tomber dans le piège de l’étiquetage, et surtout comment adapter votre communication au quotidien.
Qu’est ce que le DISC ?
Le DISC est un modèle comportemental. Il ne fouille pas dans votre enfance ni dans vos traumatismes. Il décrit simplement des préférences observables dans la manière d’agir et de communiquer — ce qu’on appelle aussi styles comportementaux.
Quatre couleurs sont utilisées pour mémoriser ces tendances :
- Rouge (D) – Dominant : orienté résultat et décision, rythme rapide,
- Jaune (I) – Influent : relationnel, enthousiaste, aime co-créer,
- Vert (S) – Stable : coopératif, patient, recherche l’harmonie,
- Bleu (C) – Consciencieux ou encore Conforme : analytique, méthodique, aime les standards clairs
La plupart des personnes sont un cocktail de couleurs avec une ou deux couleurs dominantes. Le DISC sert à mieux se connaître, mieux comprendre les autres et fluidifier les interactions — en réunion, lors d’un feedback délicat, face à un client exigeant. L’essentiel : rester bienveillant. Les couleurs ne hiérarchisent pas la valeur humaine, elles éclairent des manières différentes d’approcher le monde.
D’où ça vient et à quoi ça sert ?
Historiquement, le modèle vient de travaux en psychologie (Marston) et a été décliné en outils pédagogiques et tests de personnalité en entreprise. Aujourd’hui, il s’emploie surtout comme un langage partagé pour parler de comportements sans jugement. Les couleurs sont juste un moyen mnémotechnique.
Dans un cadre RH ou managérial, on l’utilise pour la cohésion d’équipe, la réduction du stress, l’engagement au travail, la planification des ressources humaines et l’accentuation des compétences (faire briller les points forts là où ils apportent le plus).
J’ai vu des équipes réduire leurs tensions simplement en réalisant que le développeur « taiseux » n’était pas distant mais Bleu (besoin de réfléchir avant de parler), et que la chef de projet « trop directive » était Rouge (besoin d’avancer vite).
Les 4 couleurs de personnalité, sans jargon
Rouge – Dominant (D)
Le Rouge aime aller droit au but, décider, trancher, relever des défis. Son moteur : le résultat mesurable et l’autonomie.
Forces : énergie, sens de l’action, capacité à prendre des décisions rapides même sous pression.
Points de vigilance : peut sembler abrupt ou impatient. Un Rouge sous stress écrase parfois les étapes relationnelles au profit de l’efficacité immédiate, ce qui crée des frictions.
Ce qui l’aide : des options courtes (deux ou trois, pas dix), des délais clairs, des KPI et qu’on lui fiche la paix pour exécuter.
Jaune – Influent (I)
Le Jaune tire son énergie du collectif. Il aime échanger, convaincre, fédérer, imaginer à voix haute. Son carburant : l’interaction et les idées nouvelles.
Forces : communication naturelle, créativité, capacité à mobiliser et à insuffler de l’enthousiasme dans les moments difficiles.
Points de vigilance : tendance à la dispersion. Un Jaune peut promettre la lune un lundi et oublier le mardi ce qu’il a dit. Il déteste la routine pure et peut zapper des détails logistiques essentiels.
Ce qui l’aide : des interactions fréquentes mais courtes, de l’espace pour brainstormer, et ancrer les engagements par écrit. Sinon, trois semaines plus tard, c’est « ah bon, j’avais dit ça ? »
Vert – Stable (S)
Le Vert cherche l’harmonie, la coopération, les routines rassurantes. Il aime que les choses soient prévisibles et que tout le monde soit à bord.
Forces : écoute remarquable, loyauté, constance, soutien aux autres. C’est souvent lui qui tient le collectif ensemble quand ça tangue. Dans une équipe que j’ai accompagné, la personne Vert était celle vers qui tout le monde se tournait en cas de coup dur — pas pour une solution miracle, mais pour être entendu.
Points de vigilance : évite les conflits frontaux, quitte à retarder une décision difficile. Peut dire « oui » en réunion et ruminer trois jours en silence.
Ce qui l’aide : un contexte clair (ce qui change, ce qui ne change pas), du temps pour intégrer les nouveautés, et des changements progressifs plutôt que des virages à 180° annoncés un vendredi soir.
Bleu – Consciencieux (C)
Le Bleu aime la précision, les données sourcées, les processus écrits. Son moteur : la qualité et la logique irréprochable.
Forces : rigueur, esprit critique, capacité à repérer les failles avant qu’elles ne deviennent des catastrophes. Un Bleu bien placé peut sauver un projet bancal.
Points de vigilance : perfectionnisme qui ralentit parfois l’action. Difficulté avec l’improvisation ou les décisions « à l’instinct ». J’ai vu un responsable qualité Bleu bloquer une livraison client parce qu’il manquait une signature sur un document — techniquement il avait raison, stratégiquement on a perdu le client.
Ce qui l’aide : des critères d’acceptation explicites, des sources fiables, et qu’on ne lui demande pas de « sentir » les choses. Donnez-lui des faits, il vous donnera une analyse solide.
Restez bienveillants : nous sommes toujours plusieurs couleurs à la fois. Sous stress, en famille, au travail ou dans une association, notre palette peut varier. Parler de « tendances » plutôt que d’identités figées évite les dérives.
Adapter sa communication selon le profil de personnalité
Allez à l’objectif avec un profil Rouge
- Pas de détour, pas de longue mise en contexte historique,
- Proposez deux ou trois options maximum, recommandez-en une,
- Terminez par une décision avec un délai.
Exemple : « L’objectif est de réduire le délai de traitement client de trois jours à un jour. Deux pistes : automatiser la validation ou recruter un renfort temporaire. Je recommande l’automatisation, faisable d’ici fin de mois. »
Ce qu’il ne faut surtout pas faire : tourner autour du pot pendant quinze minutes pour « préparer le terrain ». Un Rouge décroche mentalement après deux minutes de préambule.
Annoncez le sens avec avec un profil Jaune
- Présentez l’impact humain,
- Laissez de la place pour co-construire, laissez de la place aux idées,
- Validez rapidement les étapes pour maintenir l’enthousiasme.
Exemple : « Voici l’idée : créer un rituel d’équipe hebdomadaire pour renforcer la cohésion. On prend quinze minutes ensemble pour lister ce qui vous semble stimulant, puis on choisit un format à tester dès la semaine prochaine. »
J’ai appris à mes dépens qu’un Jaune à qui on impose un processus rigide sans discussion perd toute sa motivation. En revanche, si vous le faites participer à la conception, il devient votre meilleur ambassadeur.
Equilibrez avec un profil Vert
- Donnez le contexte complet : ce qui évolue, ce qui reste stable,
- Avancez par petites étapes et laissez des temps d’intégration,
- Valorisez la contribution même discrète.
Exemple : « On va se réorganiser à partir de mars. Les horaires d’ouverture ne changent pas, ni l’équipe. On teste d’abord sur deux semaines, je reste disponible si quelque chose n’est pas clair. »
Erreur classique : annoncer un changement brusque en mode « allez, on y va ! » sans transition. Un Vert va acquiescer en apparence et se crisper en coulisses.
Sourcez avec un profil Bleu
- Apportez les faits, les critères, les processus,
- Précisez les définitions et les sources si nécessaire,
- Invitez aux questions techniques sans les brusquer.
Exemple : « Voici les trois indicateurs retenus pour évaluer le succès du projet : taux de conversion (hausse attendue de 5%), délai moyen de réponse (passage de 48h à 24h), satisfaction client (score NPS supérieur à 40). Les données de base sont dans le fichier joint, hypothèse testée sur le trimestre précédent. »
Un Bleu respecte les décisions prises sur des bases solides, mais déteste les approximations. Ne lui dites jamais « à peu près » ou « on verra bien ».
Les applications possibles du DISC en entreprise
Le management et le feedback selon les couleurs
- Rouge : Cadrage par objectifs, feedback factuel et court, centré sur les résultats, projection sur l’action suivante. « Voici l’objectif manqué, voici l’écart, qu’est-ce qu’on corrige pour la prochaine échéance ? »
- Jaune : Feedback en mode conversation, dans un cadre informel si possible. Ancrez les points d’amélioration par écrit pour éviter qu’ils ne s’évaporent.
- Vert : Feedback en tête-à-tête, dans un climat serein. Commencez par reconnaître ce qui fonctionne (la fiabilité, la loyauté), puis abordez le point délicat avec douceur. Un Vert encaisse mal les reproches publics.
- Bleu : Feedback structuré avec des exemples précis et des critères partagés. « Le rapport contenait trois approximations (page 4, 7 et 12). Voici le niveau de détail attendu pour la prochaine version. »
En réunion et en gestion de projet
- Mélangez les formats : un ordre du jour clair (Bleu), un tour de table relationnel en ouverture (Jaune), des moments de décision explicites (Rouge) et du suivi entre les réunions (Vert).
- En gestion de projet, répartissez les forces selon les phases : cadrage et arbitrage (Rouge), facilitation et mobilisation (Jaune), coordination et continuité (Vert), qualité et risques (Bleu).
En relation client
- Captez le style du client en 30 secondes. Écoutez son langage, observez son rythme, notez le type de questions qu’il pose.
- Ajustez pitch et supports : storytelling, visuels et témoignages clients pour un Jaune, fiche produit comparée, références techniques et garanties pour un Bleu, plan de déploiement rassurant et accompagnement étape par étape pour un Vert, synthèse décisionnelle pour un Rouge.
En gestion du stress et prévention des conflits
Chaque couleur réagit différemment sous la pression :
- Rouge sous stress : devient irritable face aux lenteurs. Donnez-lui une « file express » pour valider une décision sans passer par dix-sept couches hiérarchiques,
- Jaune sous stress : s’ennuie et décroche. Proposez-lui des missions variées avec des points de validation réguliers pour maintenir l’élan,
- Vert sous stress : craint l’imprévu et rumine en silence. Construisez une roadmap lisible et identifiez des pairs de confiance vers qui il peut se tourner,
- Bleu sous stress : se noie dans l’incertitude. Fournissez-lui un socle minimal de données fiables et des critères clairs, même imparfaits.
Les bonnes pratiques possibles pour ne pas dériver
Quelques règles que je vous invite à appliquer systématiquement :
Parlez de comportements et de besoins, pas d’identités. Ne dites jamais « tu es un Rouge », dites « dans cette situation, tu as un fonctionnement plutôt Rouge ».
Cherchez l’ajustement réciproque. Si je suis Bleu et que mon collègue est Jaune, je peux faire un effort pour accepter un peu de flou en début de projet, et lui peut faire un effort pour documenter les décisions.
Rappelez vous que le DISC est un outil de lecture au service de la personne, pas un tri sélectif. On ne décide pas une embauche sur une couleur. On ne dit pas « les Verts ne peuvent pas manager » ou « les Rouges ne savent pas écouter ».
Faites-vous challenger. Si vous utilisez le DISC dans un cadre RH ou managérial, partagez vos interprétations avec un pair ou un praticien formé. On se trompe tous, et un regard extérieur évite les dérives.
Acceptez l’évolution. Vos couleurs peuvent bouger selon votre maturité, votre rôle, votre environnement. J’étais beaucoup plus Rouge en début de carrière qu’aujourd’hui. Le stress, la fatigue, les responsabilités familiales : tout ça modifie la palette.
Pour aller plus loin
Si vous voulez aller plus loin, voici quelques exercices concrets :
- Analysez vos mails. Relisez vos trois derniers emails professionnels avec la grille DISC. Le message est-il lisible pour un Bleu (faits, structure) ? Motivant pour un Jaune (vision, enthousiasme) ? Respectueux du rythme d’un Vert (étapes, accompagnement) ? Ouvre-t-il clairement la décision pour un Rouge (options, délai) ?
- Comparez vos styles de communication selon les contextes. Êtes-vous le même en réunion plénière, en tête-à-tête, lors d’une présentation publique ? Beaucoup de gens sont plus Rouges sous pression et plus Verts en mode écoute.
- Co-écrivez un pacte de communication en équipe. Chacun partage ce qu’il apprécie (feedback direct / temps de réflexion / reconnaissance verbale / données chiffrées), ce qu’il vaut mieux éviter, et comment résoudre un désaccord sans tension. Ça prend une heure, ça évite des mois de malentendus.
En guise de conclusion
Le test de personnalité couleur est d’abord un outil de dialogue. Bien utilisé, il favorise la connaissance de soi, l’adaptation de communication et des relations apaisées. Chaque couleur apporte une contribution précieuse au collectif. Un Rouge sans Vert fonce dans le mur, un Jaune sans Bleu accumule les promesses non tenues, un Vert sans Rouge stagne, un Bleu sans Jaune s’enferme dans la technicité.
L’enjeu n’est pas de “devenir” une couleur différente, mais de jouer avec votre palette selon les situations — et d’offrir aux autres la même flexibilité bienveillante. Parce qu’au fond, c’est peut-être ça, l’intelligence collective : comprendre qu’on ne fonctionne pas tous pareil, et transformer cette diversité en force plutôt qu’en source de friction.